Dans un produit numérique, le choix du caractère n’est pas une question de goût, mais d’usage. La lisibilité à l’écran dépend d’abord de la clarté des formes, d’un dessin ouvert et d’une hauteur d’x généreuse, qui facilite le déchiffrage rapide des textes en français sur des interfaces denses. Les formes ambiguës, comme la confusion entre « I » majuscule et « l » minuscule, nuisent au repérage visuel et augmentent la charge cognitive. À cela s’ajoutent le contraste du trait, la largeur des glyphes, l’espacement par défaut et la présence d’italiques et graisses intermédiaires, indispensables pour construire une hiérarchie accessible sans multiplier les styles.
Les métriques internes d’une police gouvernent le rendu sans que l’on s’en aperçoive. La ligne de base, la hauteur d’ascendante et de descendante, ainsi que les sidebearings, déterminent l’alignement et la respiration du texte, surtout dans des composants réutilisables. Un interlignage situé autour de 120–145 % du corps assure le confort sur mobile, tandis que l’interlettrage reste idéalement neutre sur les paragraphes pour ne pas briser le rythme. Les familles variables, de plus en plus courantes, offrent des axes de poids et d’optical size qui permettent d’ajuster précisément l’épaisseur et la lisibilité selon la taille, à condition de tester les combinaisons sur des écrans réels et de vérifier la cohérence au zoom.
La performance pèse autant que l’esthétique. L’emploi de formats modernes comme WOFF2 réduit l’empreinte, mais il faut aussi limiter le nombre de styles chargés et prévoir une stratégie de fallback cohérente avec la typographie principale. Un set latin enrichi, les guillemets français, l’euro, l’apostrophe typographique et les chiffres tabulaires constituent des indispensables pour des interfaces financières, e‑commerce ou éditoriales. Tester le rendu en mode clair et sombre, sur écrans Retina et classiques, avec l’anti‑aliasing natif du système, évite les surprises et révèle les tailles minimales réellement lisibles.
Enfin, un choix professionnel ne s’arrête pas au fichier. Les licences déterminent vos droits: usage web, application, nombre de vues, postes, diffusion publicitaire. Les EULA varient sensiblement entre fonderies; certaines exigent des licences distinctes pour l’OTT, le broadcast ou l’embarqué. Dans un contexte français, documenter ces conditions dans le dépôt du design system et prévoir un budget typographique évite des renégociations tardives. En résumé, privilégier un caractère lisible, métriquement fiable, techniquement sobre et juridiquement clair, c’est sécuriser l’expérience et la pérennité du produit.